Interpellation – Civisme et apprentissages : encourager la culture générale ne signifie pas éduquer à la citoyenneté

Pour qu’une démocratie directe fonctionne, elle a besoin de l’engagement et de la participation de tous les citoyens, y compris les jeunes.
Dans le cas des apprentis CFC, l’éducation à la citoyenneté est comprise dans le domaine « Culture générale ». Ce champ d’études se subdivise en 2 parties: Langue-Communication et Economie-Société. Ce second domaine est constitué de 8 thématiques, dont une seulement dite « politique ».
Dans son intervention 13.3072, Mme Aubert évoque l’ORFO 2012 et mentionne les heures toujours plus réduites consacrées à l’éducation civique pour les apprentis employés de commerce. Le Conseil fédéral répond que cette ordonnance n’a pas réduit la dotation globale réservée au civisme. Or les 520 et 400 périodes mentionnées dans la réponse font référence à la globalité du domaine de formation « Economie-Société », qui dans le cas spécifique des apprentis employés de commerce est scindé en 4 sous-domaines. Seul l’un d’eux contient de l’éducation civique (rapports d’économie générale et de la société). Ainsi, après une lecture attentive du plan de formation employé de commerce du 26.09.11, force est de constater que les heures de civisme se réduisent comme peau de chagrin pour ne constituer que 8h sur toute la formation.

Il est dès lors légitime de craindre que cette situation se retrouve dans d’autres apprentissages. Il suffit pour s’en convaincre de voir le nombre de subdivisions de la « culture générale » prévu par le plan d’études cadre.
Si le Conseil fédéral encourage l’éducation à la citoyenneté ainsi que le domaine « culture générale », le premier se retrouve de facto noyé dans le second. L’éducation citoyenne semble bel et bien en danger et l’on peut s’inquiéter de cette marginalisation croissante de l’enseignement politique.

Je prie donc le Conseil fédéral de répondre aux questions suivantes:

– Le Conseil fédéral a-t-il conscience que les heures réellement consacrées à l’éducation à la citoyenneté se sont vues réduites par l’ordonnance ORFO 2012 ? 

– Ne serait-il pas judicieux de définir une ordonnance spécifique à l’éducation citoyenne pour donner à ce domaine de formation une place à part entière ?

– Dans le rapport demandé par l’intervention Aubert 13.3751 (promis pour été 2015 dans la réponse au postulat Masshardt 14.4267), pourra-t-on enfin avoir une vision globale de la qualité et du contenu des cours de « culture générale » ainsi que du bagage en civisme qu’auront reçu nos apprentis au terme de leur formation ?

Interpellation FNS et langues nationales

Suite à la décision de Fonds national suisse (FNS) de faire de l’anglais la seule langue pour les projets de chercheurs en science politique, j’ai déposé l’interpellation suivante au Conseil national, en collaboration avec le conseiller aux Etats Didier Berberat (PS – NE).
Le respect de nos langues nationales est en jeu dans le domaine de la recherche.

15.03.04interpellationfnslangues

Intervention au Conseil national sur l’initiative contre l’éducation sexuelle

Monsieur le Président,
Monsieur le conseiller fédéral,
Chères et chers collègues,

Nous avons aujourd’hui affaire à une initiative populaire intitulée « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire ».
Mais il suffit de lire le texte proposé pour se rendre compte que ce titre ne correspond absolument pas au contenu proposé.

  • Les initiants devraient tout d’abord avoir le courage d’intituler leur proposition « initiative contre l’éducation sexuelle ».
  • Avec leur titre, ils entendent nous faire croire que ce texte entend protéger les enfants. En réalité, c’est exactement l’inverse : en cas d’acceptation, les enfants seraient privés de leur droit à l’information et à la protection.
  • Enfin, la portée de l’initiative ne concerne pas que l’école maternelle et primaire, mais bien tous les enfants et jeunes de ce pays, jusqu’à 18 ans.

Pour pouvoir se prononcer sur ce texte, il faut tout d’abord connaître le système actuellement en vigueur. Ce dernier varie légèrement d’un canton à l’autre. Ainsi, les cantons, avec les écoles et les spécialistes du domaine mettent en place des cours de prévention des abus et d’éducation à la santé sexuelle adaptés à l’âge des enfants, avec professionnalisme et en collaboration avec les parents et les enseignants.


Lorsque les défenseurs de l’initiative osent parler de sexualisation à l’école, voire de pornographie, ils sont tout simplement à côté de la plaque. La réalité est tout autre : les jeunes et les enfants sont exposés à de nombreuses informations sur ce sujet, via internet notamment. Mais ces informations sont souvent erronées, incohérentes, dénaturées, et humiliantes pour les femmes. L’éducation sexuelle doit justement permettre de corriger ces images par une information sérieuse.

Mais venons-en au détail de l’initiative, afin d’expliquer la position très claire du groupe socialiste sur ce sujet.

L’initiative propose d’inscrire dans la Constitution que « l’éducation sexuelle est l’affaire des parents. » Une telle proposition est tout simplement inutile. Les parents sont déjà les premiers responsables de l’éducation sexuelle des enfants, comme le prévoit le Code civil (CC, art. 302). Mais cet article du Code civil prévoit parallèlement que les parents collaborent avec l’école « de façon appropriée ». L’école a donc, dans ce domaine également, un rôle complémentaire. Il s’agit tout simplement d’un droit pour les enfants et les jeunes : le droit à la formation et à l’information.

L’initiative concède ensuite la possibilité de dispenser un cours de prévention des abus dès l’école maternelle, mais en interdisant d’aborder dans ce cadre l’éducation sexuelle. 

Une telle proposition est tout simplement aberrante. Faire de la prévention des abus dans parler d’éducation sexuelle est impossible, comme le confirment tous les spécialistes ! Ce serait comme vouloir faire de la prévention routière sans expliquer ce qu’est une voiture ! Il ne peut y avoir de prévention des abus sexuels sans transmettre des connaissances de base, de façon évidemment adaptée à l’âge des enfants. Les défenseurs de cette initiative sont en totale décalage avec la réalité du terrain et mènent un combat purement dogmatique.

Enfin, dans les alinéas suivants, l’initiative définit sa vision de la future éducation sexuelle en Suisse :

  • Un cours facultatif pourra être dispensé pour les enfants de plus de neuf ans et uniquement par le maître de classe.
  • Un cours obligatoire pourra être dispensé pour les jeunes de plus de douze ans mais uniquement par l’enseignant de biologie et n’abordera que la question de « la reproduction et du développement humains ».
  • Aucun autre cours ne pourra être dispensé.

Ces propositions posent tout d’abord un problème pratique, en inscrivant des âges minimaux dans la Constitution. Les initiants semblent l’ignorer mais il y a bien souvent deux ou trois classes d’âge différentes par année scolaire. Sa mise en œuvre serait extrêmement problématique, comme nous l’ont confirmé en commission les divers responsables du domaine de l’éducation de notre pays.

De plus, limiter la question de la sexualité humaine à de la biologie est totalement réducteur et rabaissant pour les hommes et les femmes !

Surtout, les conséquences concrètes d’un tel texte sont tout simplement inacceptables : en effet, en cas d’acceptation du texte, on verra des jeunes (et pas uniquement des enfants puisque l’initiative concerne tous les jeunes de moins de 18 ans, y compris après la scolarité obligatoire) qui n’auront jamais, avant 18 ans, de cours d’éducation sexuelle abordant des éléments essentiels tels que la problématique des grossesses non désirées, ou la protection contre le sida et les IST en général. C’est tout simplement irresponsable ! Tant le mandat constitutionnel de l’école que l’égalité des chances sont bafoués.

Enfin, l’initiative est une attaque contre le fédéralisme et contre un système qui fonctionne très bien dans les cantons. A titre d’exemple : en Suisse romande (mais aussi au Tessin et dans certains cantons alémaniques), ce sont des spécialistes extrascolaires qui interviennent dans les classes. Cette pratique, qui fait ses preuves depuis plus de 50 ans, serait interdite en cas de « oui ».

Le texte proposé est une attaque frontale contre les droits élémentaires des enfants, fondés sur de nombreuses conventions internationales, dont la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant. Il s’agit d’une attaque contre le droit des enfants à l’information, la prévention et la protection contre les abus sexuels.

Le groupe socialiste vous recommande donc de refuser cette initiative réactionnaire, qui, pour des motifs dogmatiques, met en danger les enfants de ce pays !