Congé paternité : un petit pas dans la bonne direction

Aujourd’hui, le Conseil national acceptera sans doute la mise en place d’un congé paternité de deux semaines. Il serait temps. La Suisse est actuellement le seul pays d’Europe sans congé paternité ni congé parental. A la naissance d’un enfant, le père a généralement droit à un jour avant de revenir au travail, comme lors d’un déménagement. Chez nous, l’arrivée d’un nouveau-né ne semble devoir concerner que les femmes.

Une revendication de longue date du PS

Depuis plus de vingt ans, le Parti socialiste dépose régulièrement au Parlement fédéral des propositions pour mettre en place un congé paternité. Jusqu’ici, elles ont toutes été sèchement rejetées par la majorité bourgeoise. Les choses sont enfin sur le point d’avancer dans la bonne direction, grâce à l’initiative populaire pour un congé paternité de 4 semaines. Cette initiative, qui permettrait aux futurs papas de prendre de façon flexible 20 jours de congé paternité payés dans un délai d’un an après la naissance, bénéficie d’un énorme soutien populaire selon les sondages. La pression est donc forte sur le Parlement qui semble prêt à concéder une petite amélioration pour les familles. Et alors que les élus UDC et PLR avaient combattu en bloc en 2016 au Conseil national une proposition de congé paternité de deux semaines, les positions se modifient à l’approche des élections du 20 octobre.

En effet, contre l’avis du Conseil fédéral (dont la majorité de droite ne veut entendre parler ni de crèches ni de temps partiel ni de congé paternité), le Conseil des Etats a proposé avant l’été un contre-projet de deux semaines de congé paternité. La Commission de la Science, de l’Education et de la Culture du National s’y est ralliée. Le plenum du Conseil national tranchera aujourd’hui.

Du côté du Parti socialiste, nous défendons une solution plus ambitieuse, non seulement en soutenant l’initiative mais aussi en proposant un modèle de congé parental, seule véritable proposition d’avenir. Car s’il est évidemment positif d’obtenir deux semaines de congé paternité plutôt que rien, c’est loin d’être à la hauteur des attentes des familles et le risque est fort de voir la situation bloquée à ce faible niveau pour les vingt prochaines années. Surtout, une si maigre avancée ne règlera en rien les problématiques se renforçant avec la maternité : les inégalités salariales, les discriminations des jeunes femmes sur le marché du travail, la répartition des tâches domestiques, les licenciements au retour de congé maternité ou encore les temps partiels inégalement obtenus. J’ai donc fait la proposition en Commission de mettre en place une mesure ambitieuse : l’introduction d’un congé parental de 38 semaines (comme le recommande la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales). Ce congé parental serait réparti de la façon suivante : 14 semaines pour la mère (comme actuellement), 14 semaines pour le père et 10 semaines à se partager entre les parents. Ce serait alors une véritable avancée pour les familles. La proposition reste malgré tout très modérée en comparaison internationale. En effet, la moyenne de l’OCDE est de 54 semaines de congé parental. Nous resterions donc largement en-dessous de cette moyenne et loin des modèles à succès des pays scandinaves.

Financement

Plusieurs modèles de financement sont possibles. Pour la mise en place d’un court congé paternité, une légère augmentation des APG suffirait. Ainsi, une augmentation de 0.06% du taux de cotisation APG (0.03% pour l’employeur et 0.03% pour l’employé) suffirait à financer un congé paternité de deux semaines. Pour rappel, le taux de cotisation APG a été baissé de 0.05% en 2016 (passant de 0.5% à 0.45%). Il n’y aurait qu’à revenir à la situation d’avant 2016 et ce congé serait financé. Personne n’a d’ailleurs ressenti cette modification insignifiante.

Un congé parental de 38 semaines pourrait lui aussi être financé par les APG : cela nécessiterait une hausse de 0.2% pour l’employé et 0.2% pour l’employeur, selon les initiants du projet (un peu plus selon l’administration fédérale). D’autres variantes conviendraient également, comme un financement par la TVA (0.4%) ou par un financement mixte sur le modèle de l’AVS, entre des cotisations (APG en l’occurrence) et la caisse fédérale. Alors que la Confédération entrevoit un excédent de 2,8 milliards pour 2019, le financement d’un congé paternité/parental ne pose strictement aucun problème.

Un bon investissement

Au final, l’introduction d’un congé paternité/parental ne pose pas de difficulté en termes financiers ni organisationnels (moins contraignant que le service militaire) mais est surtout un bon investissement pour l’ensemble de la société : pour les familles, la conciliation entre vies familiale et professionnelle, le bien-être de la mère, l’implication du père, le développement de l’enfant, une répartition des tâches plus égalitaire, la natalité ou encore l’égalité salariale. Les retombées économiques sont également devenues incontestables (productivité, moral au travail, taux d’emploi des femmes…), ce qui explique que la plupart des grandes entreprises en Suisse ont déjà mises en place un tel congé.

Cette journée devrait donc enfin amener une avancée pour les familles, pour les pères et les mères, pour les enfants de ce pays. Ce petit pas aura été arraché dans la douleur à une majorité davantage soucieuse durant cette législature de faire des cadeaux fiscaux aux plus privilégiés que d’améliorer les conditions de vie de la population. Ce petit pas se savourera et ne sera qu’une première étape vers un congé parental et une politique familiale égalitaire.