Intervention en faveur d’une politique de la jeunesse et de l’enfance

Monsieur le président,
Monsieur le conseiller fédéral,
Chères et chers collègues,

Déposée le 12 mars 2007 par notre collègue conseillère nationale Viola Amherd, l’initiative parlementaire 07.402 avait été acceptée en novembre de la même année par la Commission de la Science, de l’Education et de la Culture (CSEC-N).

L’initiative parlementaire Amherd demandait la création d’une base constitutionnelle dans le domaine de la protection et de l’encouragement des enfants et des jeunes. La sous-commission « Protection des jeunes » et la CSEC ont ensuite travaillé sur le texte et ont décidé d’y ajouter la notion de participation.

Concrètement, cette nouvelle base constitutionnelle permettrait à la Confédération de jouer un véritable rôle de coordinateur dans ce domaine.Une majorité de la Commission vous recommande d’entrer en matière sur cet objet. Une minorité Müri recommande quant à elle de ne pas entrer en matière.

Le projet que nous vous proposons aujourd’hui est une modification de l’article 67 de la Constitution fédérale intitulé « Encouragement des enfants et des jeunes ». Le titre de l’article serait d’ailleurs renommé « Encouragement, protection et participation des enfants et des jeunes », afin de le faire correspondre aux trois objectifs recherchés dans ce domaine tant par la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant que par le Conseil fédéral.[1]

Le projet dont nous débattons apporte deux modifications majeures à l’article 67 actuel :

  • L’inscription, dans l’alinéa 1, d’une « politique active de l’enfance et de la jeunesse » menée par la Confédération et les cantons.
  • L’ajout d’un alinéa 1bis donnant la possibilité à la Confédération de « fixer les principes applicables à l’encouragement et à la protection des enfants et des jeunes, de même qu’à leur participation à la vie politique et sociale ».

Nous reviendrons sur ce deuxième point dans la discussion par article.

Actuellement, la politique de l’enfance et de la jeunesse est répartie entre les différents échelons politiques de notre pays. Ce sont toutefois surtout les cantons et les communes qui sont actifs dans ce domaine. La Confédération n’assume en effet que quelques tâches (notamment l’encouragement des activités extrascolaires des enfants et jeunes, ainsi que des programmes de protection de la jeunesse).

Si les efforts entrepris ces dernières années par la Confédération, les cantons et les communes dans ce domaine ont été salués, une majorité de la Commission estime que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Le rapport de l’OFAS de novembre 2014 a confirmé les inquiétudes de la majorité de la CSEC quant à la pratique fragmentée dans le domaine de la politique de l’enfance et au manque de vision d’ensemble, de stratégie globale.

Ainsi, certains jeunes sont aujourd’hui clairement prétérités par rapport à d’autres, en fonction de leur canton ou de leur commune. Le degré de protection, d’encouragement et de participation des jeunes et des enfants varie énormément selon le lieu. Ces disparités, qui n’assurent pas l’égalité des chances, sont contraires aux objectifs de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant (ratifiée par la Suisse en 1997)[2], qui confère les mêmes droits à tous les enfants en Suisse.

Le manque de vision d’ensemble et de coordination ne permet pas d’identifier les lacunes ni de mener une stratégie cohérente dans le domaine.

Sans vouloir remettre en question les compétences cantonales et communales, la majorité de la Commission estime qu’un important besoin se fait sentir en termes de cohérence et de coordination dans le domaine de la politique de l’enfance et de la jeunesse.

La nouvelle disposition constitutionnelle proposée permettrait à la Confédération de jouer son rôle de fédérateur, de coordinateur.

La constatation a été faite tant par la sous-commission « Protection des jeunes » que par la Commission de la Science, de l’Education et de la Culture : la politique de l’enfance et de la jeunesse doit être une politique active. Les communes et villes, les cantons et la Confédération ne peuvent se contenter d’une attitude réactive, en fonction des problèmes qui se posent.

Ainsi, l’inscription de cette « politique active de l’enfance et de la jeunesse » fixe un objectif général, sans établir de nouvelles compétences mais en définissant la stratégie de la Suisse dans ce domaine aux différents niveaux politiques.

Parallèlement, le nouvel alinéa 1bis donne à la Confédération la possibilité de légiférer pour atteindre un minimum d’harmonisation dans la politique de l’enfance et de la jeunesse. C’est bien la formulation potestative qui a été choisie, afin de laisser une grande marge de manœuvre au législateur. Cela respecte le principe de subsidiarité et permet d’agir en fonction des besoins constatés.

Concrètement, la base constitutionnelle proposée permettrait par exemple :

  • Une stratégie claire et commune dans toute la Suisse dans le domaine de la politique de l’enfance et de la jeunesse.
  • Une coordination entre les différents échelons politiques et structures existantes.
  • Une identification des lacunes du système grâce à une vision d’ensemble permettant des statistiques comparables et des standards communs.
  • Une mise en œuvre efficace des recommandations du Comité des droits de l’enfant.
  • Une reconnaissance du droit à la participation comme troisième pilier de la politique de l’enfance et de la jeunesse (au même niveau que l’encouragement et la protection ; et en interconnexion avec eux).
  • Une politique efficace et coordonnée dans le domaine de la violence contre les enfants.
  • Un soutien et une valorisation de projets comme la Session des jeunes ou les différents parlements des jeunes.
  • Une plus grande stabilité et une meilleure coordination des offres d’animation socioculturelle (maisons de jeunes, animation jeunesse en milieu ouvert, activités intergénérationnelles,…).

Le soutien à l’initiative Amherd permettra d’ancrer dans la Constitution la politique de l’enfance et de la jeunesse comme tâche transversale de la Confédération, des cantons et des communes, afin d’en améliorer l’efficacité et la coordination. Il serait ainsi possible de poser les bases d’une politique globale en faveur de l’enfance et de la jeunesse.

Pour les différentes raisons évoquées, une majorité de la commission vous recommande d’entrer en matière sur cet objet.

Notons qu’en 2009, le Conseil national avait déjà décidé de donner suite à l’initiative Amherd.

Je vous remercie de votre attention.

[1] Rapport du Conseil fédéral du 27 août 2008 intitulé « Pour une politique suisse de l’enfance et de la jeunesse ». http://www.bsv.admin.ch/themen/kinder_jugend_alter/00065/index.html?lang=fr

[2]https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19983207/index.html